Face aux risques de destructions, les principaux monuments sont recouverts pour les protéger

Comme un manteau dont on s’emmitoufle…
Le sentiment d’un tout qui nous dépasse et nous contient,
Nous entoure et nous protège,
Nous rassemble.
Ce sentiment national,
« nous sommes »,
Taras Chevtchenko – Kobzar (Le Barde), est un des premiers à en avoir parlé.

Contre l’inique de l’asservissement, l’abrutissement de la bestialité, la pauvreté de l’ignorance, Chevtchenko a été chercher la mémoire lointaine d’un peuple. Depuis les Cimmériens des légendes jusqu’au Royaume de Kiev, dont la culture et la prospérité paisible ont rayonné durant de longs siècles, jusqu’à Rome, Constantinople… Avant de disparaître sous les violences indigentes et les tyrannies frustes.

Dénonçant le joug sous lequel il est né et a grandi comme tant de ses proches, Le Barde a réveillé le souvenir et fait renaître l’espoir.

Quel réconfort que retrouver ce « nous » pour celui qui subit silencieusement, qui sait maintenant dans son âme qu’il n’est pas tout seul et qu’un jour l’Humanité triomphera, parce que c’est écrit !

En ces temps où cette identité tout juste retrouvée est à nouveau menacée, ce sont maintenant les représentations de ces hommes et femmes, dont la plume a donné ce manteau protecteur, qui ont à leur tour eu besoin d’être protégés : leurs statues.

Comme en témoigne à Borodianka, ville martyre attaquée dès les premières heures de l’invasion et qui n’a pas eu le temps de se préparer, la statue Taras Chectchenko, défigurée par les tirs de soldats ivres…

Partout, dans les rues et les squares des villes d’Ukraine, on trouve ces statues emmitouflées dans des cocons de protection dont le soin apporté à leur confection est à la hauteur de la reconnaissance et la volonté farouche de préserver l’héritage de ceux qui les ont érigées.

D’abord un empilement de sacs de sables méticuleusement disposés, puis de longues poutres de bois en renfort, solidement ceinturées. Enfin, une toile, parfois des tôles ou du contreplaqué, parachèvent ces œuvres sur l’œuvre.
Je ne peux m’empêcher d’imaginer que l’ouvrier qui a scellé ce sarcophage temporaire l’a fait avec un mot d’au revoir : «Nous nous retrouverons bientôt, et le monde au soleil duquel tu ré-apparaîtras sera plus proche de celui que tu nous as imaginé. »

On dit qu’un peuple qui n’a pas de mémoire n’a pas d’avenir.
A voir la puissance des cocons qui protègent leur mémoire, le peuple d’Ukraine en a certainement un grand, avenir.

CB – PZ
Février 2023