Que reste-t-il de la lecture sur support papier dans nos villes ? Que ce soit sur un banc lors des premiers rayons de soleil ou que ce soit à la sauvette dans les kiosques à journaux, la lecture sur papier n’est pas un zapping de quelques secondes comme sur les téléphones portables mais demande une certaine disponibilité ou stratégie d’approche.

J’ai observé que les lecteurs de magazines ont souvent le sentiment de voler l’instant présent. « Feuilleter » ce n’est pas lire, se justifie une femme que je rencontre dans le rayon des magazines féminins. Cette remarque vise à nous rappeler que toute personne peut légitimement ne pas acheter sur le champ un magazine chez un marchand de journaux et continuer à le feuilleter, pour le simple plaisir, tant qu’elle n’a pas vraiment fait son choix. Un temps raisonnable de quelques minutes de lecture par journaux est bien entendu de rigueur et généralement respecté. Nous sommes dans des lieux particuliers, instants volés de lecture, intermédiaires pourrait-on dire, où le lecteur ne prend pas encore tout à fait le temps de lire son journal, de l’ouvrir véritablement, et de s’installer.

Au contraire, dans d’autres lieux comme sur un banc, assis dans le métro ou au comptoir d’un café, je parviens à capturer à travers mes photographies les moments privilégiés où le lecteur prend le temps de s’accouder, de s’enfoncer un peu plus dans sa lecture, et parfois même de s’asseoir à une table ou sur un banc pour apprécier. Il s’installe un temps indéterminé dans une bulle dans laquelle il se sent bien pour baigner dans l’atmosphère de l’histoire de son livre. Un temps qu’il s’accorde pleinement dans sa ville, avec son objet de lecture, et dans un lieu précis qu’il choisit soigneusement pour bouquiner à son aise.

Je tente de saisir tous ces moments volés de lectures.

Christian Barbé
Juin 2019