NOTE D’INTENTION

Je souhaite, au moyen de tableaux monochromes, faire émerger de la scène agitée des villes malgaches les travailleurs ordinaires ou remarquables qui l’animent : je mets en scène un « tableau dans le tableau » avec pour premier tableau un travailleur des rues, que je photographie dans un deuxième tableau qui à la fois l’isole et le recadre dans l’environnement de la rue qui est le sien.

RESUME

C’est en juillet 2019 que je débute la série TABLEAUX AMBULANTS à travers les rues de Tuléar et de Fort dauphin, au sud de l’île de Madagascar. Ma recherche consiste, en les inscrivant à l’intérieur d’un tableau monochrome, à faire émerger des scènes de la vie des travailleurs des rues généralement absentes du regard du spectateur.

PRESENTATION

Partant de l’observation qu’un fond de couleur uniforme donne de l’intensité aux personnages d’une scène de rue, je décide de les photographier devant un fond monochrome (orange, rouge, bleu, vert, noir) que j’ai peint au préalable. Cette présentation a pour effet d’exclure du regard tout le reste de la scène, et l’œil s’attarde sur les sujets photographiés auxquels nul n’aurait sinon prêté attention. Souvent noyés dans l’agitation d’une ville trépidante, ses acteurs sont le plus souvent invisibles à l’œil, tout comme les petits métiers qu’ils exercent. Le photographe, devenu peintre d’une scène de théâtre, saisit dans son action un cordonnier ou un ferronnier sur un fond bleu clair ou encore orange, et en fait le tableau d’un acteur dans son action plus que celui d’une scène de rue.

L’émotion qui se dégage de l’image dépend de la couleur du fond utilisé. Le rouge rend l’image plus intense, un orange au contraire réchauffe et adoucit la scène, un bleu la refroidit, le noir semble absorber le sujet dans la toile.

Comme sur la palette du peintre, des réactions chimiques et esthétiques se produisent entre le fond uni et les valeurs des couleurs du sujet photographié : un fond vert pomme met magnifiquement en valeur la robe bleue d’une malgache qui cuisine, et invite notre regard à s’y attarder.

La scène du théâtre de la rue poursuit néanmoins son cours : elle entoure le tableau de couleur et contribue, par son effervescence cette fois, à concentrer notre regard sur la cuisinière, le ferronnier, le cordonnier. Et la magie du hasard crée, parfois drôlement, des interactions entre ces différents plans : les malgaches circulent autour du tableau et n’arrêtent pas leurs affaires avec le sujet photographié !

Trois plans interagissent donc dans l’image – ou la peinture – que sont ces « Tableaux Ambulants » : le sujet mis en exergue, le fond uni, et l’arrière-plan de la rue, un mélange organisé de concentration sur un métier et son artisan, de lumières et de couleurs, et de l’ambiance toujours frénétique de la rue malgache.

Christian Barbé
Août 2019