Le pied va où le cœur le mène

(proverbe tunisien)

Nous pouvons raconter notre histoire à partir de nos pieds. Imaginons quelques instants que nous soyons en tête à tête avec nos pieds ; nous y verrions nos douleurs, nos peurs, nos souffrances, nos faiblesses et nos émotions, bref notre vie.

En Afrique, et tout particulièrement à Madagascar, les pieds ne sont pas à l’abri, confinés dans des chaussures mais le plus souvent chaussés dans de simples sandales à l’air libre ou nus en contact direct avec la terre. Plus d’une fois, il m’est arrivé dans la rue d’être en arrêt devant les pas d’un pousse-pousse malgache. Fatigués par les divers terrains qu’ils foulent, les pieds de ces transporteurs infatigables nous parlent. Il suffit de regarder leurs orteils rabougris. Répartis de manière anarchique comme des soldats en déroute, les orteils subissent les aspérités des pavés brûlants de la ville, portent avec eux les traces des accidents de parcours rencontrés sur des chemins boueux ou caillouteux du pays. Recroquevillés sur eux-mêmes, ils semblent ne plus savoir où aller pour fuir leur vie de labeur. Le pied quant à lui s’est affaissé avec le temps, gonflés par les fortes chaleurs, déformés, calleux ou décharnés subissant chaque jour les charges imposées par le pousse pousse.

Par simple observation photographique, j’ai voulu montrer à travers les pieds des travailleurs malgaches, le reflet de ce qu’ils ont vécu. Restituant par leur aspects (forme, cicatrice) des informations en lien avec leurs chemins parcourus à travers les routes, les pieds sont la mémoire en marche de chacun d’entre eux.


Christian Barbé
Mars 2020