Avec l’ombre, il existe dans le Grand sud de Madagascar une autre valeur suprême : l’eau.


Plus précieuse que l’or, elle régit les gestes, les habitudes.


À Tsihombe, au cœur de l’Androy semi-aride, j’ai rencontré ces femmes, ces hommes, ces enfants pour qui chaque goutte compte. Les tuyaux censés amener l’eau douce jusqu’à la ville peinent à remplir leur mission. Alors, on s’adapte. On achète quelques bidons transportés à la charrette. Ou bien, chaque matin, on marche jusqu’au Manambovo. C’est là, dans le lit sablonneux du fleuve, qu’on cherche l’essentiel.


On creuse, on façonne des trous, parfois profonds, parfois à peine ébauchés. Des bassines éphémères, remplies d’une eau que l’on boit, dans laquelle on se lave, on nettoie le linge, on cuit la nourriture. Une eau qui permet tout. Autour, la vie s’organise. Les femmes discutent, veillent sur leur trou comme on veille sur un feu. On y rit, on y chante, on y partage – mais pas n’importe comment. Défense formelle d’y souiller l’eau : l’urine ou les excréments y sont tabous, interdits. L’eau, ici, se respecte.


« Chaque jour, on creuse un nouveau trou », me dit un homme. « Pour que l’eau soit un peu moins sale. » Ce labeur quotidien, humble et vital, creuse bien plus que la terre : il dessine des cercles noirs, empreintes d’humanité sur le ventre du sol.


Ces trous sont des ventres ouverts, des nombrils de survie. Ils disent la lutte, la patience, et la dignité de celles et ceux qui tiennent debout, coûte que coûte, dans un pays assoiffé.

Juillet 2025 Christian Barbé